#4 – Février / February 2022

Jan Baetens

Insomnies, la chambre d’à côté

 

Comment ouvrir un bouton

 

C’est la vie en rose, c’est la vie

En brouillon, en pays de cocagne,

On a le temps de penser à tout,

On efface et on recommence.

Le temps qui passe voyage dans le temps qui saute.

Lestement faisant le tour des occasions,

Lentement, jusqu’à tomber sur la martingale,

Jusqu’à se tromper de sens.

On s’empêtre dans les courroies et les courriers,

Il y a un fer qui blesse, un mors.

Il n’y a plus de net que l’inachevé,

Et le temps que pas, et qui est long

Se va perdant pour le train de l’écriture.

 

(Aimez-vous le mot « temporaire » ?)

 

 

 

Lettre de démission en vingt-six exemplaires

 

Ça raconte exactement

Comme dans les rêves, quand ils se rappellent

Aux bons et mauvais souvenirs.

Je ne sais plus dans quelle chambre je suis,

Dans quel trou d’attente,

Et les provinciaux de s’attrouper à chaque nouvelle arrivée,

Leur crainte toujours d’être en retard,

La main repliée sur le billet déjà perdu,

Ils parlent en proverbes, se corrigent les uns les autres.

Je tente de me faire regarder comme l’un d’eux,

Je n’ai pas le droit d’attendre.

 

(Nuit blanche n’égale pas monochrome)

 

 

 

Mise à jour

 

J’aime bien me répéter, mais mal.

On me trouve sensible au symbole,

Draperie, fenêtre : fermée, ouverte ?

L’œil m’appartient,

Il se décolle du mur comme papier peint.

Je remonte au tournant des faits,

Je suis une photo trouvée,

La nuit me donne double vie,

En vain, je touche le silence de l’étoffe,

J’attends une pierre tombant plus vite que moi.

 

(« Un rideau peut changer votre vie »)

 

 

 

Une idée de perte totale

 

Les distances sont les premières à s’en aller, les mots

Cessent d’être longs ou brefs, secs la seconde avant blettissement,

Chaque phrase commet des fautes d’imagination

Et commence par un rond-point.

La contravention, c’est le temps qui revient,

À genoux, le buste en courbe, toujours souriant

Comme les statues à la proue des navires d’autrefois,

Retournées pour ronger le bois et que rien ne brime,

Ni sommeil, ni matelots, ni rime.

 

(Surtout ne regardez pas)

 

 

 

Après la bataille

 

Continuer le rêve par les moyens de l’insomnie.

Tour de sablier après tour de sablier,

Mêmes lieux-dits qui ne disent rien, ni le lieu, ni l’heure.

Le train est un vrai train,

Moissonneuse-batteuse plus longue que ce vers.

Où l’on aime faire des phrases avec des mots.

Le rêve que je fais est un vrai rêve.

Ma langue fourche, plus loin un veilleur de nuit

Trébuche sans passe-partout.

 

(Et si le problème persiste ?)

 

Louvain, décembre 2021