#7 – Janvier / January 2025

Jan Baetens

La Guerre civile

(d’après Tacite ; extraits d’un travail en cours)

Aujourd’hui demain se tait,

trop long jour cependant

hors-temps de l’adverbe.

On se libère d’un meurtre

comme d’un pardon.

Il ne faut pas faire attendre la peur.

Revers de main revers de fortune,

à égalité.

Les rues désertes en fête,

le sang contrefait et la peau

pareille à des lacets.

On se jette sur les couteaux

pour en finir avec soi

devenu un autre.

Épithètes mais vénéneuses,

les mots font borne,

insensibles à la géométrie des oliviers

qui brûlent,

mots peinant à dire la neige,

la joie en partage.

À quelques lignes d’intervalle, la notice biographique

le fait mourir deux fois, au même endroit mais à deux dates différentes.

Le monde et les beautés du monde,

jusqu’aux interstices du beau

et de ses unités variables.

Tant qu’on élève des stèles de sable,

Mourir ne lasse pas.

Les aiguilles tuent aussi

le temps compté aux pendus.

Il n’y a plus de couleurs

qui ne tirent sur le pourpre

puis sur le sang du noir.

Fatalement il revient des mots dont le sens n’avait plus cours

et des familles de mots, des tribus,

avec les Noms qui vont avec,

oriflammes qui les augmentent,

puis d’autres noms, de frères,

de tribuns, rivaux, ennemis,

et leurs services de désordre,

civilités de la guerre, torrents

de rimes grosses comme le bras,

riches d’un sang qui ne demande qu’à couler

de nouveau dans les veines.

Ils déposent la paix avant les armes.

 

Louvain, 2024