Dans ses travaux, livres, wall et room pieces, il prenait position (catalogue Position de 2023). Le censeur polonais ne s’est pas laissé tromper par une apparence abstraite, en 1986, lorsqu’il a limité le tirage de Now à 50 exemplaires et à l’usage interne. Il a inventé une façon particulière d’écrire avec des blancs, des non-dits : quelques mots entre lesquels chacun pourrait mettre un sens, les plus pertinents étant les sens venant du contexte d’inscription, parfois perdu avec le temps. Cette façon d’écrire sur les murs, dans les livres ou dans les airs ouvrait de nouvelles possibilités de lire, dans l’esprit mallarméen. Captant des sous-entendus, le public hétéroclite peut remplir infiniment de sens cette écriture graphique sobre, comprenant quelques mots. Les « blancs » entre ceux-ci sont mis en relation avec des figures géométriques (lignes, quadrilatères, grilles, aplats, etc., parfois aussi des photos ou des cartes géographiques), non sans rapport avec le constructivisme, qui perturbent l’écriture et réorganisent les significations des mots. Ces figures peuvent soit devenir elles-mêmes des non-dits (ses hommages à El Lissitzky), soit orienter le sens d’autres non-dits : « Les mots sont un matériau plastique avec lequel on peut faire toute sorte de choses » (S. Freud). Sur le pignon d’un bâtiment à Rennes (1990), le mot « unité » est disloqué, comme s’il était coupé par un trait. Dans ses photos et vidéos, il adoptait le point de vue du « marcheur » ordinaire habitant l’espace public, et renonçait au caractère distingué du regard de l’artiste. Il a publié une centaine de livres, qu’il n’appelait pas « d’artiste », et il précisait qu’il les « écrivait », et il exposait l’écriture dans l’espace public (rues et paysages, bibliothèques, théâtres, musées, mais aussi la presse) en en réinterrogeant les enjeux politiques, et en réinventant la poésie visuelle. « Quant à la façon de configurer et de gouverner les villes – pourquoi et par qui – nous devons l’identifier et en parler ouvertement ». Derrière la simplicité des formes épurées, les questions et enquêtes de son art portent sur les objets concrets : « l’économie, sa structure, son organisation et ses lois » ; « l’architecture, les transports, les autoroutes et le mouvement entre les gens et les marchandises. Chemins de fer, réseaux routiers, centres commerciaux, bâtiments administratifs ». Fidèle à ses inventions et ses engagements, il a choisi Bruxelles, centre de l’Europe, pour poser l’ancre : situer les existences, les sentiments et les idées dans leurs espaces géographiques propres était une de ses préoccupations. A Tale of the Space Between (1998), le plus personnel de ses livres, rend « implicitement » hommage à celle qui, sans s’exposer, rendait tous les jours possible son œuvre simple et polyforme, élégant et politique.