#7 – Janvier / January 2025
Vincent Broqua
Tache
partout d’avant
partout sur moi cette tache ¤ tache partout mon corps ¤ ne veut pas partir ¤ je l’observe ¤ elle dit ne pas partir ¤ de toute façon ça ne sert à rien ¤ tenter de la frotter ¤ ne sert pas ¤ avec les doigts ¤ elle est là, elle reste là ¤ est là là ¤ ne pourra pas la faire disparaître ¤ même l’écriture n’y parviendra pas ¤ alors d’accord là elle est là ¤ c’est ça donc elle va là ¤ là encore et je regarde ¤ c’est presque un jeu ¤ elle est là aussi ¤ retire mes chaussures ¤ je note qu’elle est aussi posée là ¤ encore visible ¤ après que les chaussettes sont retirées ¤ tiens, là et puis là sur la peau fine des chevilles ¤ soulève la chemise aussi pour regarder vérifier ¤ c’est bien ça comme ça ¤ sans qu’il y ait donc de quoi je regarde quand bien même ¤ dans le miroir elle est là ¤ encore tu enlèves retire tout ¤ vêtements de corps ¤ tu ne sais plus où tu es ¤ elle est partout ¤ a tout gagné ¤ emporte le morceau ¤ devenue toi ¤ tu pardi tu sais depuis toujours ça ¤ qu’il n’y a pas encore que ça touche ¤ tout à la fois et que ça se perd ¤ dedans ¤ gagne d’ivresse ça te pend au nez ¤ ça vérifie que t’en avais bien parlé ¤ déjà ¤ tu perds le langage retiré ¤ tu trébuches dans les mots ¤ toc ¤ sans mmm ¤ qu’il y ait de elle ¤ se répand à tout ¤ ce qui s’étend ¤ ce plan où tout est envahi d’elle ¤ cette tache sans ¤ que ce qui disait je ¤ ce corps qui soit encore là ¤ il n’y a plus sans ¤ c’est ainsi ¤ toc ¤ soit que soit qu’à pénétré
répandu temporel
d’abord ¤ elle n’était pas ¤ une salissure ¤ elle était là ¤ mais sous une forme invisible ¤ puis elle est apparue ¤ petite ¤ elle a grandi ¤ s’étend ¤ prend de plus en plus ¤ d’espace elle est là sans jamais pouvoir ¤ on l’a d’abord remarquée ¤ elle s’est fait ¤ une place ainsi ¤ impossible à déloger ¤ occupe le terrain ¤ qu’un point ¤ qu’une moucheture pour se soumettre ¤ à elle se laisser tout absorber ¤ remplir de son emprise sans frontières la tache ¤ s’étend à elle prend ¤ de tout ce que l’on voit ¤ prend des formes ¤ couleurs différentes ¤ noire violette ou marron ¤ tout à coup verte ¤ rouge ¤ avance dans les bleus ¤ devient jaune brillant ¤ rose ¤ toutes ces couleurs ¤ perdent jusqu’à ¤ leur attrait ¤ ou leur valeur ¤ si elles attirent ¤ à la façon de l’antimatière ¤ s’absorbent elles-mêmes ¤ dans la fin de leur effet ¤ la tache sourde et méthodique ¤ corrode les moindres ¤ remparts ¤ elle franchit toutes les limites ¤ détruit les ponts fait exploser les murs de granite ¤ cette pierre la plus dure ¤ devient ces murs ¤ frontières ¤ limites ¤ en symbolise les parois ¤ illusoires pour ¤ faire s’écrouler ¤ lorsqu’on veut s’appuyer sur elles ¤
souffler
on étouffe peu à peu sous cette tache ¤ et pourtant ¤ on respire ¤ toujours elle procède ¤ par l’extinction ¤ progressive ¤ et presque irréversible ¤ de toutes les fonctions respiratoires ¤ le souffle ¤ court d’abord se fait ¤ de plus en plus oppressant ¤ il était avec lui ¤ l’éveil du désir ¤ de lutter il est totalement nu ¤ on étouffe ¤ et on a pourtant l’impression ¤ de respirer ¤ avoir gardé ¤ entravé de rythme ancien de parvenir à l’écrire ¤ même ¤ on a presque sensation de grande aisance ¤ ça file dans le langage ¤ corps dévêtu ¤ pourtant point ¤ si mince ¤ soit-il si minuscule ¤ si lointain ¤ commence à forer ¤ pénétrer ¤ la matière respiratoire ¤ il est là une gêne ¤ un poids continu constant ¤ leste élévation du poumon ¤ le gauche et le droit ¤ avoir vieilli ¤ on croit que le corps ¤ laisse aller ¤ pourtant c’est radicalement autre ¤ s’empare de nous ¤ pénètre si la mort des fonctions vitales ¤ avait été conférée ¤ de simples paroles ¤ de rejet
orifices
la tache s’étend en nous ¤ comme sont entrés ¤ chacun de nos pores ¤ dans chaque orifice follicule pileux ¤ neurone synapse globule ¤ plus infime du dedans ¤ pénétrée ¤ entre en nous ¤ se disperse en sourdine ¤ la tache ¤ de mots qui réprouvent ¤ fait son œuvre ¤ à partir de la blessure ¤ les mots salisseurs ¤ font avancer ¤ sur le terrain d’une joie ¤ vitale l’allégresse ¤ de la destruction ¤ l’énergie dont on jouit ¤ muant la volonté déplacée d’une percutante ¤ façon d’être pénétré ¤ en sérieux cadavérique ¤ paradé à l’intérieur ¤ de soi injecté ¤ par un trou un timbre ¤ une expression de tache ¤ de l’énergie du désespoir dont on jouit une tache ¤ rôde dans les phrases pénétré ¤ distillé après une attente ¤ curieuse non pas comme un coup ¤ poing auquel on aurait pu répondre ¤ mais par un doigt enfoncé minimalement ¤ de minute en minute ¤ fractale de seconde ¤ fraction remplaçant le rythme ¤ trop sautillant de joie ¤ d’un jouet ¤ ne peut être entendue car ¤ pas à son endroit à sa place pas assez noire
dès le départ
en cette tache mutilante ¤ ne part jamais ¤ je n’avais ¤ jamais eu vu ¤ de tache comme celle-là celles ¤ que je me faisais encore ¤ n’étaient jamais aussi totales ¤ ici m’a donné ¤ enfoncé tache ¤ me l’a passée ¤ une maladie frontale ¤ transforme les paramètres ¤ de l’énergie ¤ d’une parade ¤ de joie ¤ volontaire ¤ une pommade de deuil ¤ ne parviendra jamais ¤ à se retirer ¤ une pommade ¤ pénétré ¤ se serait transformée ¤ en poison ¤ elle le contenait ¤ dès le départ ¤ médicaments drogues
pénètre perd
tache ¤ une perte ¤ elle entraînait ¤ une perte ¤ créait ¤ perte la perte ¤ des espaces visibles ¤ la perte différence ¤ totalités non découvertes ¤ se répand pénètre perd ¤ sur l’entièreté ¤ du domaine visible ¤ même au-delà ¤ même presque oblitérant la notion de perte ¤ effacement dichotomies ¤ perte peste prêtre ¤ n’existe perd plus presque puisque pénétré il a été remplie de la tache ¤ et la tache soudain a recouvert ¤ la perte ¤ supprimé la mémoire ¤ la tache ¤ comme un état ¤ indifférence de plénitude ¤ grande entière totalement ¤ rassérénant perd lui oui lui remplie défoncée ¤ comme ¤ on retirait les livres ¤ on tire retire l’inquiétude ¤ de la littérature ¤ remplacer tout ¤ la plénitude d’écran ¤ d’un cœur ¤ pénétré défoncé ¤ tache
La date et éventuellement le lieu